Mémoire du commissaire de la concurrence pour la consultation de la Banque du Canada : renouvellement du cadre de conduite de la politique monétaire du Canada

Le 1er octobre 2020

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Introduction

J'ai lu avec intérêt l'allocution d'ouverture d'un récent atelier de la Banque du Canada sur le renouvellement du cadre de conduite de la politique monétaire du CanadaNote de bas de page 1. Dans cette allocution, la première sous-gouverneure Carolyn A. Wilkins décrit les interactions importantes entre la politique monétaire et les autres politiques publiques, pour favoriser la croissance économique et la stabilité des prix au sein de l'économie canadienne. Le présent mémoire souligne l'importance que les considérations liées à la concurrence peuvent avoir dans le contexte plus large de la politique économique.

À titre de commissaire de la concurrence, j'ai le mandat de promouvoir auprès de tous les ordres de gouvernement des politiques qui favorisent le développement de marchés dynamiques et concurrentiels au CanadaNote de bas de page 2. Ce mandat est lié au principe bien connu selon lequel des processus concurrentiels s'avèrent essentiels pour assurer le développement d'une économie dynamique, robuste et productive. Mon point de vue est simple : pour exceller, le Canada a besoin de plus de concurrence.

Dans ce mémoire, je souhaite développer cette notion en mettant l'accent sur trois aspects grâce auxquels la concurrence favorise l'obtention de meilleurs résultats sur le plan économique. Premièrement, il faut reconnaître clairement la façon dont les processus concurrentiels réduisent les pressions inflationnistes, ce qui entraîne une « bonne » désinflation et permet aux Canadiens d'accéder à un large éventail de produits à moindre coût. Deuxièmement, une concurrence accrue s'avère essentielle pour réaliser les gains de productivité requis afin de créer de la richesse et d'assurer la prospérité des Canadiens. Enfin, troisièmement, dans un monde caractérisé par une concentration croissante des marchés, nous devons tous adapter nos approches pour assurer et maintenir la vigueur concurrentielle de l'économie.

La concurrence réduit les pressions inflationnistes

Essentiellement, la concurrence est la rivalité entre les entreprises qui les oblige à redoubler d'efforts pour attirer des clients. Cependant, la concurrence ne se limite pas à mettre en marché des biens au plus bas prix possible. La concurrence stimule un accroissement de la valeur économique, puisqu'elle incite les entrepreneurs à repenser tous les aspects d'une entreprise, en mettant au point des produits qui répondent mieux aux besoins des consommateurs, à les produire et à les distribuer plus efficacement, puis à les vendre en utilisant des moyens novateurs et efficaces.

Les entreprises se livrent concurrence dans un certain nombre de domaines. Certaines d'entre elles peuvent adopter une stratégie visant à offrir des produits au plus bas prix possible, alors que d'autres peuvent s'efforcer de commercialiser des produits de meilleure qualité ou à la fine pointe de la technologie. La concurrence est bénéfique pour les consommateurs canadiens puisqu'elle favorise une diminution des prix, un plus grand choix et l'innovation.

Ces retombées ont un effet déflationniste sur l'économie. Grâce aux processus concurrentiels, les consommateurs obtiennent un meilleur rapport qualité-prix à la fois mesurable et significatif, et cet effet déflationniste a été largement étudiéNote de bas de page 3. Comme l'a fait remarquer le gouverneur Macklem dans un discours prononcé en 2014, la concurrence favorise une « bonne » désinflation au sein de l'économieNote de bas de page 4.

La concurrence stimule la productivité

Des études internationales établissent constamment un lien entre des niveaux plus élevés de concurrence et un accroissement de l'innovation et de la productivitéNote de bas de page 5. Les processus concurrentiels favorisent l'amélioration continue; les entreprises qui peuvent produire plus en utilisant moins d'intrants remportent du succès, alors que celles qui obtiennent de moins bons résultats doivent assumer d'autres fonctions productives au sein de l'économie. Cet effet permet d'accroître la productivité économique, et conséquemment la richesse et le bien-être économique des CanadiensNote de bas de page 6.

En règle générale, le lien établi entre une concurrence accrue et des niveaux de productivité plus élevés est bien compris. En 2008, le gouvernement canadien a mis sur pied un comité d'examen chargé d'étudier les politiques en matière de concurrence à l'échelle nationale. Dans leur rapport final, intitulé « Foncer pour gagner », les membres du comité d'examen ont précisé que : « Les moteurs principaux de la croissance de la productivité sont l'investissement, l'innovation et l'adaptation que facilitent l'ouverture d'esprit et la concurrence » et que le « Canada doit améliorer sa productivité en renforçant son intensité concurrentielle »Note de bas de page 7.

Ce ne sont pas de simples conclusions théoriques. Dans les années 1990, l'Australie a entrepris une refonte en profondeur de ses politiques en matière de concurrence. Cette initiative a permis de moderniser l'économie de l'Australie, grâce à un examen approfondi des politiques en matière de concurrence dans certaines industries, et à la déréglementation d'autres secteurs, pour favoriser la concurrence. Selon une enquête nationale subséquente, ces réformes ont contribué de manière significative à l'expansion économique que l'Australie a connue pendant une période de 13 ansNote de bas de page 8. Il convient de noter que, selon les auteurs de cette enquête nationale, ces réformes des politiques en matière de concurrence ont entraîné une augmentation de 2,5 % par année du produit intérieur brut de l'Australie.

Une culture de la concurrence revitalisera l'économie canadienne

Les responsables des banques centrales à l'échelle mondiale reconnaissent que l'élaboration de politiques qui favorisent la concurrence revêt une importance croissante. Cet intérêt les a souvent poussés à mettre l'accent sur l'incidence des changements structurels au sein des marchés qui sont liés à leur numérisation, à leur concentration croissante, et à la montée en puissance de grandes entreprises de premier planNote de bas de page 9. En outre, je m'en voudrais de ne pas souligner les contributions importantes de la première sous-gouverneure Carolyn A. Wilkins à ce dialogue permanent sur les politiquesNote de bas de page 10.

L'économie numérique déstabilise et refaçonne les marchés, et les autorités du monde entier doivent donc relever une série de nouveaux défis. Pour aider les consommateurs et les entreprises du Canada à prospérer au sein de l'économie numérique, les décideurs ne doivent pas rater les occasions d'encourager la concurrence et l'innovation dans les domaines qui sont importants pour les Canadiens. Voilà pourquoi je considère que l'application rigoureuse de la loi et la promotion de la concurrence dans les marchés numériques sont des priorités absoluesNote de bas de page 11.

Tout cela se rapporte à un thème central que j'ai mis de l'avant au cours des derniers mois. Si nous voulons vraiment que les Canadiens prospèrent dans l'économie numérique, nous devons développer une culture de la concurrence. Pour ce faire, les décideurs politiques devront s'assurer que leurs politiques favorisent activement une économie canadienne concurrentielle. Pour faciliter l'atteinte de cet objectif, le Bureau de la concurrence a récemment publié une trousse pour aider les décideurs à tenir compte plus expressément de la concurrence dans le cadre de leurs processus d'élaboration des politiquesNote de bas de page 12.

Conclusion

Le Canada a besoin de plus de concurrence. Une concurrence accrue permet d'obtenir de meilleurs résultats pour les consommateurs et d'améliorer un large éventail d'indicateurs macroéconomiques. La combinaison d'une politique monétaire et d'une importance accrue accordée à la concurrence fera en sorte de créer de la richesse et d'assurer la prospérité de tous les Canadiens.

Un pays n'hérite pas d'un marché fortement concurrentiel. Il doit en développer un en tenant compte de la concurrence dans l'élaboration de ses politiques publiques. Le Canada a le potentiel de tirer parti d'une solide culture de la concurrence dans la nouvelle réalité économique, mais y arriver nécessitera de concentrer nos efforts et de favoriser la collaboration. J'encourage tous les ordres de gouvernement à collaborer avec nous pour trouver un juste équilibre entre réglementation et concurrence.

Le développement d'une culture de la concurrence ne se fera pas du jour au lendemain et il ne sera pas assuré par une seule organisation. Je félicite la Banque du Canada, puisqu'elle déploie constamment des efforts pour mettre en évidence le rôle que les politiques qui favorisent la concurrence peuvent jouer dans le programme économique du Canada. J'espère que vous continuerez à considérer la concurrence comme un élément clé de votre programme de recherche à l'avenir. Le Bureau de la concurrence est prêt à tout mettre en œuvre pour approfondir cette orientation.

Matthew Boswell
Commissaire de la concurrence